31/03-03/04

En effet, nous avons décidé, un peu sur un coup de tête, de partir pour un trek avec guide, d’une durée de 2 jours et une nuit, au lieu de rester comme prévu deux nuits à Nong Khiaw et d’y faire une activité à  la journée. Nous arrangeons les modalités (gardiennage des gros sacs, point d’arrivée différent du point de départ etc…) et nous associons avec Janneke, une jeune hollandaise de 18 ans qui était intéressée par le même type de balade que nous (jungle et villages perdus) et nous levons vers 7h le samedi matin.

Comme c’est jour de marché à Nong Khiaw, nous nous offrons un solide petit déjeuner à base de soupe de nouilles, et nous voici en route, guidés par Mr Joe, qui se prétend un vieil homme du haut de sa quarantaine bien frappée. Nous démarrons en tuktuk pour rallier un petit village qui est notre point de départ, et nous élançons sur la route sans tarder. A un moment donné, nous atteignons une fourche, et Joe désigne la voie de droite en déclarant : « ça, c’est le chemin facile, la route. A gauche, c’est la jungle. » Nous prenons à gauche. La destination est à une douzaine de kilomètres.

Avant d’atteindre la jungle, nous traversons des zones de forêt « domestique », ce qui nous donne l’occasion de découvrir comment est récoltée la sève d’hévéa. Puis nous nous mettons à grimper sur un étroit sentier et la végétation se fait plus dense. Moins d’une heure après notre départ, il commence à pleuvoir. Doucement, d’abord, puis un peu plus fort. Le tonnerre gronde au loin. Ce n’est jamais la tempête mais ça mouille un peu. Voire pas mal. Concrètement, la pluie dure 3 heures et détrempe le paysage avec deux conséquences pour nous.

La première, et la plus embêtante, c’est que le terrain se fait glissant. Pas juste un peu, non. La boue sature nos semelles et à la moindre descente nous glissons franchement. Minh tombe une fois, MC bien plus et Janneke passe beaucoup de temps par terre. Pas facile, et un peu stressant, car le relief est escarpé et nous avons peur de glisser sans s’arrêter.

La deuxième conséquence de cette pluie est moins dangereuse en vrai, mais nous a bien plus fatigués psychologiquement.  Dès les premières gouttes de pluie, tout le sous-sol du sous bois s’est mis à grouiller, littéralement, de sangsues. Pas bien grosses, 2-3 mm de diamètre et 2-3 cm de long pour la plupart (sauf de notables exceptions), elles se perchent verticalement sur les feuilles et, à la moindre vibration liée au passage d’un animal au sang chaud, se mettent à se tortiller dans toutes les directions et à se déplacer assez vite. Dès qu’on s’arrête, et même si on ne s’arrête pas, elles s’accrochent. Elles peuvent traverser les chaussettes, se glisser par les œillets des lacets, et s’agglutinent en grappes de dizaines d’individus aux endroits où la chaussure est plus fine (donc plus chaude, a priori). Ces petites bêtes ne transmettent pas de maladies connues en dehors du risque d’infection des morsures, leur morsure ne fait pas mal et elles se détachent spontanément quand elles sont gorgées de sang. D’ailleurs, les cultivateurs laotiens se baladent en tongs ou pieds nus dans la forêt (on le sait, on les a vus), se contentant de décrocher de temps en temps les sangsues de façon assez placide. Nous, nous n’y arrivons pas.

Par chance, ces petites bêtes ont des points faibles : elles détestent l’anti-moustique. Seulement, notre spray se casse à la première sortie, et celui de Janneke est presque vide.

C’est là qu’intervient notre guide. Il verse dans nos chaussures une copieuse rasade de sa « leech medicine », un mélange d’eau salée et de (beaucoup de) lessive en poudre. Pour notre part, nous avons l’impression que c’est sans effet, si ce n’est que nous pataugeons dans nos chaussures et qu’elles moussent parfois. Nous promenons toujours chacun au moins une trentaine de sangsues que nous ne parvenons qu’à grand renfort de vigilance à empêcher de pénétrer dans nos chaussettes. Nous continuons à nous laisser arroser les pieds de medicine puisque nous n’avons rien d’autre. Inutile de dire que la présence de cette faune sympathique ne donne pas, mais alors pas du tout envie de dévaler les collines sur les fesses (indépendamment de tout risque de blessure bien sûr). Les pieds, nous pouvons assumer, mais le corps ? Brr… Finalement, nous faisons un gros effort de volonté et nous nous disons que nous verrons bien une fois arrivés, que nous ferons comme les laotiens et soignerons les plaies de nos pieds (oui, MC a pensé au désinfectant… avant de choisir de le laisser dans son gros sac pour voyager léger).

Et surtout, nous ne trainons pas ! Malgré la pente, la pluie et la fatigue, nous ne faisons pas de pause (invasion de sangsues assurée) et soutenons le moral de Janneke tant bien que mal (elle a moins bien supporté que nous l’attaque de sangsues. Il faut dire que c’était la première fois qu’elle en voyait ; dire que la veille, elle débarrassait notre bar d’une monstrueuse araignée sans sourciller !).

A 13h30 nous sommes sortis de la jungle et arrivons à un gué de la rivière où nous nous arrêtons en même temps qu’un autre petit groupe de randonneurs qui nous ont rattrapés (pour la petite histoire, ils ont refusé de partager le trek avec nous la veille, en vertu du fait qu’ils sont bons marcheurs et voulaient aller à leur rythme). Nous nous installons pour quitter nos chaussures, avec l’estomac noué à l’idée de ce que nous allons découvrir. Et là, surprise ! Aucune morsure, aucune sangsue n’a bravé la lessive pour pénétrer dans nos chaussures. Nous avons juste à nous débarrasser de celles qui sont accrochées à nos chaussures. Ce n’est pas sans peine, mais une pulvérisation d’anti-moustique, un bon bâton et un peu de patience font l’affaire. L’autre groupe de français ? Ils ont les pieds en sang, dévorés par les sangsues  dont ils peinent à se débarrasser (une s’était même cachée derrière une oreille !). Nous sommes un peu désolés pour eux, mais bien contents pour nous !

Nous dormirons dans le village situé juste à côté, Ban No Luang. Après un rapide déjeuner, nous prenons une douche bien méritée, lavons nos pantalons et faisons une petite sieste. La fin de l’après-midi fut consacrée à visiter le village, qui est un village regroupant des habitants de l’ethnie Khmu et de l’ethnie Hmong. Nous jouons principalement avec les enfants qui sont ravis de nous faire découvrir leur village.

Le soir, nous mangeons à la table du chef du village, qui a mis les petits plats dans les grands pour nous. Un poulet est passé à la casserole (littéralement) et nous dégustons donc une soupe de poulet amère, et un plat typique du Laos, censé être fortifiant : il s’agit du foie du poulet, cuit avec ail et piment, mélangé avec des herbes (jusque là tout va bien) et arrosé… du sang du poulet. Cru. Bon, honnêtement on a surtout senti le goût du piment. Mais pour les occidentaux, heureusement, ils font cuire le tout (eux le mangent cru). Nous avons plutôt aimé… mais c’était très très pimenté ! Nous avons aussi gouté une viande inconnue, un gibier rapporté de la jungle par quelqu’un du village, dont on nous a servi quelques morceaux. Petit goût de châtaigne, os format os de lapin et nom Lao non informatif, en anglais « wildlife from the jungle ». Une expérience.

Après le diner, nous buvons une bière avec notre guide et notre hôte. Sa femme et lui ont réalisé pour nous une petite cérémonie de bienvenue, typique du Laos : en récitant un mantra, ils nous ont tour à tour attaché un brin de coton blanc autour de chaque poignet, puis ont chassé les mauvais esprits (et a priori aussi rappelé à nous nos 32 âmes. On ne sait jamais). Le bouddhisme au Laos est très teinté d’animisme. Cette cérémonie est destinée à nous porter bonne chance. Nous avons été vraiment touchés.

La nuit n’a pas été très reposante, car le coq du village s’est réveillé vers 3h30 pour chanter. Toutes les 10 secondes. Nous aurions bien remis du poulet au menu ! Mais le petit déjeuner a consisté en une sauce d’aubergines à l’ail avec du riz gluant et une omelette, plus classique.

Au programme de la deuxième journée, la balade ne passe pas par la jungle (notre guide a changé l’itinéraire au vue de notre réaction aux sangsues. Même s’il charrie Janneke copieusement, il prend soin d’elle). Nous prenons le thé dans un village Hmong (Pao Vang) où nous nous amusons des pitreries de deux gamins qui coursent un (énorme) coq, puis reprenons la route pour regagner la rive de la Nam Ou et notre destination, le village de Ban Houa Hoy. La visite comprend une dégustation d’alcool de riz, dont on nous verse une gorgée dans de petits vers en bambou ; infusé aux herbes aromatiques, le breuvage brûle la gorge, pique le nez et fait faire la grimace. Mais nous buvons avec le sourire par égard pour le couple de petits vieux qui distille la chose. Nous sommes ensuite invités à un baci (c’est une fête, destinée à marquer une occasion, avec une connotation religieuse) en l’honneur du nouveau bébé  d’un cousin du directeur de l’agence de trek. A peine arrivés, on nous assied à table, on nous munit d’une boulette de riz gluant, d’une assiette de laap (c’est le plat le plus populaire du pays, une sorte de salade à base de viande cuite, hachée, et de fines herbes) (et de piment) et d’un verre. Tout est en place, nous mangeons de bon appétit… et la grand-mère vient nous voir avec une bouteille de bière d’où elle verse…de l’alcool de riz maison.  Ouch. Nous avons réussi à faire bonne figure, mais nous avons été saouls très vite. Peut-être cela nous a-t-il aidé à affronter les décibels déments et les quelques tours de piste de danse inévitables (nous sommes tous les deux quasi allergiques à l’exercice).

Toujours est-il que c’est fort pompettes que nous quittons les lieux vers 16h après nous être extasiés comme ils se doit sur le nouveau-né (au demeurant fort mignon), avoir félicité le jeune papa, la jeune maman et remercié notre hôte du jour ainsi que notre guide. Il ne nous reste à franchir qu’une vingtaine de minutes de bateau (nos gros sacs nous ont rejoint par bateau dans l’après-midi), dans un cadre magnifique, la rivière faisant des méandres entre les collines taillées au couteau. Arrivés à Muang Ngoi, nous nous trouvons une guesthouse potable et donnons notre linge à laver avant de nous effondrer pour une sieste bien méritée… en oubliant un peu la moustiquaire, pour notre grand malheur.

Le soir, nous nous trainons dîner et dormons tôt. Avouons que ce fut un dimanche de Pâques original.

Nous nous offrons une grasse matinée le lendemain puis allons prendre un petit déjeuner tardif à base de fruits avant d’explorer nos environs. Muang Ngoi est un très petit village dans un cadre exquis, avec une population de touristes assez élevée ; mais la grosse offre de treks, balades à pied, en vélo ou en kayak, séjours à la ferme et autres permet de tenir tout le monde occupé. Nous nous contentons de l’ascension d’une des collines, avec visite d’une petite grotte très jolie. Nous explorons la grotte à la lumière de nos portables (et en tongs) ce qui ne nous rend guère téméraires, mais elle s’enfonce loin dans la montagne, avec un plafond assez haut. Nous avons même croisé quelques chauves souris. Comme la plupart des grottes du coin, elle a servi de refuge aux habitants pendant les bombardements américains lors de la guerre du Vietnam (nous y reviendrons).

Nous préparons aussi notre voyage en Nouvelle-Zélande en nettoyant avec un soin maniaque chaussures (qui en ont un grand besoin) et sacs. En effet, la Nouvelle-Zélande a une politique très stricte de protection de son écosystème, visant à éviter l’importation illégale, et involontaire, de parasites, germes, ou graines inconnues dans l’écosystème insulaire. En effet certaines espèces, faute de prédateur naturel, pourraient faire des ravages. C’est bien, mais nous avons passé une bonne heure avec une vieille brosse à dents, une vieille chaussette (qui n’était pas vieille avant le trek ceci dit) et de la lessive afin de rendre une allure de jeunesse à nos godasses. Qui n’ont pas voulu sécher le soir même pour cause de pluie, malgré le ventilateur et le riz dont nous les avons emplies. Bref.

Nous nous régalons de fruits pressés et de currys de viande le soir avant de nous coucher avec la sensation d’un farniente réussi.

Nous reprenons ensuite la route de Luang Prabang : une heure de bateau puis 3 bonnes heures de bus local … avec un chauffeur raisonnable, cette fois !

Un peu boueuses mais leechless !

Sur la Nam Ou

Quelque part entre Nong Khiaw et Muang Ngoi

A la santé du bébé

Catégories : Récit du voyage

1 commentaire

guillaume · 8 avril 2018 à 21 h 00 min

Sympa !!
beurk les sangsues !!

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